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La gare d'Angoulême

La gare d'Angoulême

          En ces temps où le chantier de la LGV chamboule nos paysages tout au long de son tracé, et que les travaux de modernisation de la gare d'Angoulême sont sur le point de débuter, j'ai eu envie de me pencher sur les tous premiers jours du chemin de fer en Charente.

 

On n'a sans doute pas assez conscience de la révolution que représenta l'arrivée du transport ferroviaire dans cette France du 19ème siècle. Avant le train, les voyages d'un point à l'autre du pays se comptaient en jours, voire en semaines. Avec le train, on se mit à parler en heures (13h pour un Paris - Bordeaux). Jamais dans l'histoire de l'humanité un tel bon en avant de cette importance ne s'était produit. Cela eut un rôle considérable dans ce que l'on appelle la Révolution Industrielle.

 

Pour la Charente, comme pour de nombreux départements français, l'acte de naissance du transport ferroviaire prend la forme d'une loi. Plus précisément la loi du 11 juin 1842 relative à l'établissement de grandes lignes de chemin de fer. Ce texte instaure le principe de la construction de chemins de fer de Paris vers les différentes frontières du royaume. Y compris, pour ce qui nous concerne, d'une ligne en direction de l'Espagne passant par Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne.

Une autre loi, du 26 juillet 1844, met en place les adjudications et établit le montant du budget (54 millions de francs). Le coup d'envoi des travaux est donc proche.

 

En Charente, il est décidé de faire passer les voies par Ruffec, Luxé, Vouillac, Chalonnes, Angoulême, Les Alliers, La Couronne, Montmoreau, Chalais et Champagne. La gare occupera l'ancienne école de la Marine, non loin du quartier de l'Houmeau. L'ouvrage est d'importance puisque sur l'axe Angoulême - Montmoreau, le relief est relativement vallonné et le tracé nécessite de nombreux ouvrages d'art.

Le premier consiste à percer un tunnel de 750 mètres sous le plateau d'Angoulême. Puis ce sera le viaduc de Couteaubières et de nouveau un tunnel à Livernan sur plus de 1500 mètres. Le percement de ces tunnels causera la mort de 6 ouvriers. Mais les travaux avancent rapidement sur le tronçon Angoulême – Libourne. Si bien que dès 1848, il ne reste plus qu'à poser les rails. Mais comme la partie de Bordeaux à Libourne a pris du retard, les autorités et la Compagnie des chemins de fer de Bordeaux à Orléans en charge de la construction, ne jugent pas économiquement rentable de mettre la portion disponible en état de marche et d'en lancer l'explotation.

Si bien qu'il faut attendre juin 1852 pour que le tracé Bordeaux – Angoulême soit complétement terminé et que l'on puisse célébrer l'achèvement de la pose des rails, transportés par gabares sur leur lieux de stockage.

 

Le 8 juin 1852, un premier voyage de test entre Angoulême et Montmoreau est réalisé (voir l'article plein de poésie rédigé par le journaliste du Charentais présent pour ce voyage ici, allez page 15 - en bas de la 1ère colonne).

Le samedi 12 juin, la pose des derniers rails est fêtée.  

Article paru dans le Charentais le 16 juin 1852

Article paru dans le Charentais le 16 juin 1852

Le 20 septembre, les premiers voyageurs peuvent enfin effectuer le trajet jusqu'à la capitale aquitaine dans l'une des trois classes du train. Le départ est prévu à 6h du matin, mais il accuse un retard de 45 minutes. (le récit de ce voyage cliquez ici et allez à la page 40)

Pour le trajet, il faut débourser 13,75F en 1re classe, 10,35F en 2e ou 7,70F en 3e – soit deux à trois journées de salaire pour un ouvrier . Inutile de préciser que le confort des wagons de 3e est pour le moins rudimentaire (de simples bancs, pas de chauffage...). Mais Angoulême et Bordeaux sont reliées.

Horaires et Tarifs pour les premiers trajets Bordeaux - Angoulême de 1852

Horaires et Tarifs pour les premiers trajets Bordeaux - Angoulême de 1852

À évènement exceptionnel, visite exceptionnelle  

Le Prince-Président Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, effectue une visite officielle le dimanche 10 octobre 1852. En provenance de Bordeaux, où il a prononcé la veille son discours célèbre « L'Empire c'est la paix », il est accueilli à la gare de Chalais par les autorités charentaises, puis le train conduit tout le monde à la gare d'Angoulême (pour la visite du Prince Impérial lire les comptes rendus du très bonapartiste journal Le Charentais cliquez ici page 21 et suivantes).

 

Le tronçon nord Poitiers - Angoulême n'est pas encore terminé. Mais, même s'il est perturbé par des grèves, il avance somme-toute assez rapidement puisqu'e les travaux ne s'étaleront que d'août 1850 à mars 1853 pour l'intégralité du tracé de Tours à Angoulême. Avec cet achèvement, le voyage vers Paris devient possible. Cela devient une réalité le dimanche 17 juillet 1853 à 7h15 avec la première liaison d'un train de malle au départ de la capitale. L'exploitation ordinaire du trajet commence dès le lendemain.

 

Horaires et Tarifs Paris - Bordeaux 1853

Horaires et Tarifs Paris - Bordeaux 1853

1852 : Le premier train entre en gare d'Angoulême
1852 : Le premier train entre en gare d'Angoulême

 Durant quelque temps, la circulation sur le secteur de Tours à Libourne se fait sur une voie unique. Puis la voie sera doublée à partir de 1854. Mais en attendant ce passage à deux voies, la sécurité est de mise. Pour cette raison, il faut limiter le trafic. Ainsi, il est décidé que seuls deux convois quotidiens de marchandises et trois de voyageurs circuleront dans chaque sens.

 

Cette ligne connaîtra un véritable succès grâce au transport des vins de Bordeaux et du cognac.

 

Durant les décennies suivantes, viendront se greffer les lignes transversales vers Saintes et Limoges, ainsi qu'un réseau local connu sous le nom de Petit Mairat.

 

 

Sources:

  • Archives départementales de la Charente
  • Les Chemins de Fer en Charente par Henry Le Diraison - Bulletins et Mémoires, N. 3, 1984 – Société Archélogique et Historique de la Charente,  pp. 236-261
  • mfc33.railfrance.fr
La gare d'Angoulême, dîtes d'Orléans en raison de l'exploitation de la ligne par la P.O, la société des chemins de fer Paris - Orléans

La gare d'Angoulême, dîtes d'Orléans en raison de l'exploitation de la ligne par la P.O, la société des chemins de fer Paris - Orléans

La passerelle, disparue après les bombardements de 1944, va revoir le jour prochainement.

La passerelle, disparue après les bombardements de 1944, va revoir le jour prochainement.

Tag(s) : #Charente, #Angoulême, #Paris, #Bordeaux, #Napoléon 3, #Trains, #Transport
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