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L'eau, vecteur du choléra.

L'eau, vecteur du choléra.

 

 

1855 fut pour la Charente une année noire. De janvier à novembre, une épidémie de choléra dévasta le département.

 

Après un premier épisode dans les environs de Ruffec et Saint-Claud l'année précédente, la maladie réapparaît aux tous premiers jours de janvier 1855 sur Angoulême, avant de marquer une pause à partir d'avril.

 

Lorsqu'elle se manifeste de nouveau au début de l'été, elle se répand progressivement sur tout l'arrondissement d'Angoulême, gagne une partie du Cognaçais et du Confolentais. Seul l'arrondissement de Barbezieux semble préservé.

 

Le Ruffécois, lui, est touché au cœur de l'été 1855. La porte d'entrée de l’épidémie est située à Luxé. Plus précisément au village de La Terne. Le 7 août, le premier décès survient. Très vite, les mêmes symptômes touchent une partie de la population : vomissements, diarrhées brutales, fièvre, déshydratation intense, perte de sang.

En quelques heures, une personne atteinte peut perdre plus d'une dizaine de litres d'eau. Il n'est guère surprenant alors de voir n'importe quel organisme, même le plus robuste, succomber à un tel traitement. Laissant un corps sans vie d'une teinte bleutée (cyanosé), faisant naître une angoisse légitime face à ces dégâts qui donnera naissance à une expression bien connue : la « Peur bleue ».

La transmission du bacille se fait par l'ingestion d'eau contaminée par des matières fécales ou d'aliments souillés. Mais à cette époque, les connaissances sur cette maladie sont rudimentaires. Et les traitements sont pour le moins empiriques ( lire les deux rapports rédigés après l’épidémie ). Et si la maladie touche souvent en premier lieu les populations les plus faibles, elle finit par faire des ravages dans toutes les couches de la société.

 

À l'image de ce qu'il s'est produit sur tout le département, l'épidémie continue de se propager de manière inégale. Si une forme moins agressive atteint Ligné et Juillé ; Mansle est pour sa part touché avec force à partir du 2 Septembre. Douze jours plus tard, on dénombre déjà 160 malades et 28 décès, alors même que la maladie est toujours présente. Pas étonnant, donc, de voir une partie de la population mansloise fuir le fléau pour trouver refuge dans un secteur encore préservé.

C'est pour cette raison que plusieurs familles prennent la direction d'Aigre le 13 du même mois. Parmi ceux-ci se trouve Louis Roullet, un jeune cordonnier de 24 ans. Après avoir pris une chambre à l'auberge d'André Pailloux, son état de santé se dégrade. Sans le savoir, cet homme vient de se faire "le vecteur" de la maladie. Pour les autorités de l'époque, il est l'homme qui a introduit le bacille du choléra à Aigre, même si l’épidémie ne débute vraiment que le 12 Octobre. À noter, qu'un autre « émigrant » manslois a également été malade en même temps, mais il est resté en vie.

 

Très vite, Fouqueure (le 18) et Villejésus (le 25) sont les communes du canton qui se voient atteintes avec le plus de force. Les morts y sont nombreux : 26 pour la première, 49 pour la seconde (60 selon les sources). Pour combien de malades ? Nous l'ignorons, mais nulle doute que le nombre a de quoi faire peur.

Aizet, qui se trouve juste aux portes d'Aigre, n'y échappe pas. Du 26 septembre au 24 octobre, 20 à 22 des 130 habitants du hameau succombent. Après Aizet, Marcillac-Lanville voit un autre de ses hameaux touché avec l'apparition des premiers malades à Ampanaud et la mort de 8 de ses habitants.

À Mons, ce sont 4 décès qui frappent le village de Villeneuve.

 

Autre commune fortement touchée : Ambérac. Dans cette commune d'un peu moins de 750 habitants, ce sont pas moins de 32 décès qui surviennent entre le 1er octobre et le 2 novembre, alors qu'une année normale compte entre 10 et 20 morts sur les douze mois.

En étudiant le registre d'état civil de 1855, on découvre que la mort semble s'abattre sans distinction d'âge ou de sexe ( la plus jeune victime n'a que 18 mois, la plus âgée 84 ans ). Certes une majorité de femmes et de personnes de plus de 50 ans sont touchées, mais des hommes, sûrement solides comme devaient l'être un terrassier ou un ouvrier meunier, sont également emportés.

Certaines familles sont aussi plus frappées que d'autres. Ainsi voit-on une jeune mère de famille de 24 ans être emportée par la maladie le 1er novembre, suivant dans la tombe son jeune fils (seulement âgé de 2 ans et demi) d'une dizaine de jours.

Pour ce qui est de la localisation des décès, les Marais de Cambouil semble être l'endroit où la maladie paraît être la plus virulente. Mais si l'on se rappelle que le bacille se développe en milieu humide, rien de surprenant à voir un village entouré de marais être sévèrement touché. De plus, le facteur météorologique semble avoir un rôle non négligeable dans la propagation du choléra puisque, à l'image de Mansle, les orages marquent le début et la fin des épisodes cholériques.

 

Nous possédons un témoignage de premier ordre sur l'étude de la maladie à Ambérac, sur la population malade et son cadre de vie.

Face à la violence de la maladie, le sous-préfet de Ruffec mandate le docteur F. Mallez pour étudier l'évolution de l'épidémie et assister les autorités locales, à Mansle et ses environs dans un premier temps, puis dans le secteur d'Aigre. Nous possédons le rapport que le médecin a rédigé, et il évoque les conditions de vie des habitants du Marais :

 

« J'ai visité également la commune d'Embérac et quelques hameaux qui en font partie sous le nom de marais des Cambouilles. L'agglomération principale est située sur une éminence qui domine la rive droite de la Charente. C'est à sa population pauvre seulement qu'on peut adresser le reproche de malpropreté, malgré les exhortations et les soins de l'administration municipale. Mais les divers hameaux des marais, disséminés dans la même vallée que le petit village d'Aizecq, m'ont offert dans quelques habitations le triste spectacle de l'extrême misère jointe à l'extrême malpropreté. On devait, dans l'une d'elles, marcher au milieu d'un demi-pied de boue et d'eau pour arriver au lit du malade. »

 

Nulle doute que les conditions de vie représentent des facteurs aggravants et fragilisent les habitants les plus pauvres. Mais il serait erroné de penser que seule la population défavorisée est touchée puisque dans certaines communes de Charente les notables subissent des pertes toutes aussi importantes.

 

Durant les semaines qui suivent, l'épisode cholérique gagne le nord du Ruffécois, avant d'achever son cheminement dévastateur fin novembre avec l'arrivée des températures hivernales.

Si les épidémies de choléra furent fréquentes tout au long de l'histoire de notre département, celle de 1855 fut sans doute la plus importante du 19ème siècle. Le bilan officiel parle de plus de 2 600 morts durant l'épidémie. Mais cela est vraisemblablement une estimation basse.

 

 

 

 

Pour en savoir plus :

 

  • Rapport sur une épidémie de Choléra, qui a régné dans le canton de Mansles, Arrondissement de Ruffec ( Charente ) - F. MALLEZ. 1855

  • De l'épidémie de Choléra qui a régné dans le département de la Charente pendant l'année 1855 – A. CHAPELLE. 1856

 

Remerciements à la Bibliothèque Municipale d'Angoulême - l'Alpha - pour son aide dans mes recherches.

 

 

Tag(s) : #Charente, #épidémie, #Aigre, #Ambérac, #Luxé, #Mansle, #Angoulême, #Fouqueure, #Villejésus
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